Amina, une vraie héroïne africaine
Amina s’appelle comme la célèbre Amina, la reine bâtisseuse du royaume Zaria au XVIeme siècle. Cette dernière est souvent célébrée comme une guerrière. S’il place son héroïne ou cette figure titulaire, Mohammed Kabir Umar donne à voir une autre vision de l’émancipation dans Amina, son premier roman. Amina ne joue pas le stéréotype misogyne et raciste de la femme noire qui se bat et qui souffre en permanence, pour tous et toutes. Amina n’est pas non plus dans le schéma habituelle de la victime racisée qui se libère en fuyant sa culture d’origine pour l’occidentale. Amina est une héroïne qui propose une autre narration des femmes africaines en général, et nigérianes en particulier.
Un combat islamique
Au contraire, Amina aurait pu se contenter de la vie que lui offrait son époux riche et puissant. Mais elle choisit de créer une association de femmes pour qu’elles mettent fin aux injustices : violences conjugales, viols, au mariage forcé, excision, spoliation des biens, absence d’éducation… Dans son combat, elle se retrouve confrontée à un système corrompu et injuste, fruit du néocolonialisme, qui n’hésite pas à utiliser la violence. Amina s’émancipe en négociant dans le cadre de sa culture et ça fait du bien ! Ce n’est pas l’islam ou les traditions le problème, mais leur interprétation ou transformation. Entourée de femmes et d’hommes, elle utilise le dialogue, le savoir et l’entreprenariat (et l’argent de son époux corrompu) pour sa lutte féministe au nom de l’islam.
Une histoire peu entraînante
Le fond est bon, la forme moins. Je n’ai pas aimé le livre. D’une part, il est trop dense et la narration manque de fluidité. Au lieu de décrire le processus, l’auteur en donne seulement le résultat. Ainsi, différents sujets sont abordés sans être approfondis et beaucoup de personnages ne sont qu’un prétexte pour introduire les idées de l’auteur. Il est difficile de s’attacher aux personnages ou de partager leurs émotions. D’autre part, l’auteur flirte parfois dangereusement avec la vision raciste de l’Afrique. Sa description des personnages est empreint de colorisme. Sous sa plume, toutes les bonnes personnes sont belles, à savoir avec la peau claire, le nez fin ou aux origines non-noires. En revanche, toutes les mauvaises personnes sont laides.
Une contribution pour un changement
Amina est à lire plutôt comme un essai. Le livre analyse la situation économique et sociale du Nigéria avec précision. Il revient sur la responsabilité des Occidentaux et des dirigeants locaux quant à l’état du pays. Le Nigéria, un pays où une richesse indécente côtoie une pauvreté incompréhensible. Une justice qui favorise les riches. Des ressource locales exploitées à l’étranger. Les femmes privées de droits élémentaires.
Amina propose aussi des solutions. Ce roman un véritable programme politique pour fonder une société musulmane respectueuse de ses préceptes. Amina a vraiment l’étoffe d’une reine tant elle porte un projet social riche. Toutefois, le choix de l’héroïne d’utiliser une association pour porter un tel projet est contradictoire. La structure dépend du régime critiqué. Il est curieux dans un monde capitaliste où les entreprises concurrencent les Etats, que les associations soient toujours présentées comme le moyen d’enrichir l’Afrique.
Le livre de Mohammed Kabir Umar a le potentiel d’ouvrir des réflexions et des discussions au Nigéria et en Afrique. Mais dans un contexte occidental tel que le Royaume-Uni, où l’auteur d’origine nigériane vit actuellement, ce livre est-il pertinent ? La vision de l’Afrique de l’économiste Felwine Sarr est autre.
