Racisme et Comédie : Une fausse bonne idée ?

Depuis Tout simplement noir, les comédies sur le racisme d’un nouveau genre se multiplient sur nos écrans. Terminées les personnes noires qui singent un accent et une agressivité soi-disant africaine. Désormais, les comédiens sont plus nombreux à se moquer du racisme et des racistes, pour mieux les combattre. Mais est-ce que ça fonctionne vraiment ?

Un humour engagé

Le reproche fait aux anciennes comédies comme Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? ou Case Départ est de jouer sur les clichés habituels sur les minorités. La posture est d’adopter le regard blanc sur la situation pour amuser un public blanc également. Dans ces sketchs, le corps noir devient exotique et un objet destiné à faire rire de lui. La norme pour les humoristes noirs était d’être des clowns Chocolat.

Heureusement, les théories sur le racisme ayant fait leur chemin dans la société, ce type de blagues sont désormais largement critiquées. Une nouvelle génération d’humoristes issues des minorités qui font des blagues qui ne reposent plus uniquement sur l’auto-dérision raciale. Mieux encore, des humoristes comme Fadily Camara ou Fary parviennent même à faire un humour qui peut être qualifié de militant. En effet, ils parviennent à dénoncer les injustices et les inégalités avec humour comme le fameux “Salut les Blancs” de Fary aux Molières. Si sur scène ces sketchs, courts et ponctués d’autres sujets, sont réussis, en films et séries, cet humour tombe dans les mêmes travers que les autres comédies.

L'arroseur arrosé

L’humour est présent. La dénonciation aussi. C’est drôle quand dans En Place, Fadily Camara explique à Jean-Pascal Zadi qu’il faut faire du gospel ou du football pour être un Noir applaudi en France. Mais quand le personnage improvise effectivement un gospel, à la demande d’un public blanc, il semble confirmer cette idée. En Place, série diffusée sur Netflix, se présente comme une histoire qui imagine si la France élisait un président noir. Ce postulat de départ est déjà douteux puisque cette éventualité serait donc une farce. Toutefois en vérité, le comique dans cette série ne réside pas dans le fait que Stéphane Blé, le héros, soit un candidat noir. C’est qu’il soit un candidat simplet, pauvre et issu des banlieues défavorisées. Il fait rire principalement grâce à son absence d’éducation politique, son langage et son style. Tout ça n’est pas propre qu’aux personnes noires et pourtant elle est présentée comme naturelle avec le héros. Le premier président noir est incompétent parce que l’un va avec l’autre ? Si Stéphane était d’une autre couleur, ça n’aurait rien changé. Mais cette association automatique et systématique entre noir, pauvre et banlieue empêche de le voir. Il y a donc une contradiction dans ces comédies. Sous prétexte de dénoncer, elles rejouent et appuient les stéréotypes critiqués. C’est le piège de l’antistéréotype proposée par le sociologue Éric Macé.

Rire avec modération

On pourrait se dire, à la manière des personnes qui aiment rire en offensant les autres, : “C’est juste une blague”. C’est vrai. Cependant, ces comédies se présentent comme anti-racistes. De plus, les stéréotypes montrés sont encore une réalité. Les personnes noires subissent encore des discriminations parce qu’elles sont perçues comme étrangères, stupides et agressives. Le refus de toute discussion du gouvernement après le mouvement Black Lives Matters en France confirme bien que l’égalité n’est pas encore là. Il est tout aussi, voire encore plus, étonnant que ces films parodient le militantisme, notamment dans Tout simplement noir. Elles donnent l’impression que les militants se prennent trop au sérieux, en font trop. Or, si le rire fait du bien, il n’est pas forcément la solution à tout. Il demande surtout une réflexion au préalable, surtout quand il ‘agit d’auto-dérision.

Alors si avec ces films on note une nette évolution de la représentation comique des personnes noires et une prise en considération du discours anti-raciste, l’impact positif reste limité. Il faudrait même, dans ce genre de comédie, que tout ne tourne pas autour de la question raciale. Il serait plus pertinent de rire de situations qui sont révolues et varier les représentations.