Le voile ne fait pas la musulmane

Le voile ne fait pas la musulmane

Depuis quelques jours, l’histoire d’adultère de la star de la télé-réalité Abou Diaby déchaine les passions. Néanmoins, la focalisation sur le voile de la femme en question met surtout en lumière une certaine vision des femmes musulmanes portant le voile. Retour sur un témoignage qui fait scandale.

Une femme voilée aurait trompée son mari. Pas une musulmane, pas une femme, pas un être humain : un voile. C’est ce qui ressort du buzz autour du témoignage d’Abou Diaby, diffusé ce mardi 13 septembre. Dans une interview menée par le Youtubeur Sam Zirah, l’ancien candidat de la Villa des cœurs brisés raconte les infidélités de son ex-épouse. Une femme infidèle choque toujours plus l’opinion qu’un homme parce que le désir se doit d’être masculin. Cependant, dans ce cas, les réseaux sociaux sont en ébullition parce que la femme en question porte le voile islamique. À ce titre, les critiques, les moqueries et les attaques à l’encontre de cette femme, mais aussi des femmes voilées en général, se sont multipliées. Et si cette affaire intime de couple était le reflet de la représentation sexiste des femmes voilées en France.

Le voile des saintes

Abou est musulman et il a épousé une musulmane. Pourtant, il ne présente son ex-femme que comme une femme voilée ou une oukthy voilée. Le simple fait de leur donner l’appellation à part de oukthy, à savoir « ma sœur » en arabe, marque une distinction entre femmes musulmanes voilées et non-voilées. Les femmes musulmanes voilées sont, par un raisonnement incomplet, vu comme le pendant des bonnes sœurs chrétiennes. Toutefois, si les premières constituent une catégorie à part au sein de l’Eglise, ce n’est pas le cas en islam. Il n’y a pas de division entre le séculier et le laïc. Il n’y a pas, d’un côté des croyantes classiques, et de l’autre des dévotes. Il n’y a pas, d’un côté des musulmanes, et de l’autre des musulmanes voilées. Le Coran s’adresse à toutes les musulmanes sans distinction. Or, trop souvent, les femmes voilées sont vues comme des saintes qui se doivent d’être parfaites. Non pas parce qu’Allah l’aurait demandait, mais parce qu’une piété infaillible est associée au voile par la société. Cette attente se devine dans les affirmations d’Abou qui répète « Je suis avec femme voilée », comme une gage de protection. En effet, le respect de l’obligation du port du voile dans un contexte non-musulman et islamophobe suppose un certain attachement à la religion. Néanmoins, le voile ne transforme pas en musulmane infaillible ou différente des autres. 

La supériorité morale attendu des femmes voilées dans la société est artificielle. Les remarques du type « elle est voilée et elle fume la chicha », « elle est voilée et elle est trop maquillée » ou « elle est voilée et elle est vulgaire » sont absurdes. Abou en vient à reprocher davantage à son ex-épouse son voile que ses supposées infidélités. La logique, l’islam plutôt, demanderait de reprouver ce comportement chez n’importe quelle musulmane. Cette surveillance spécifique aux femmes voilées est justifiée par leur apparence qui est associée à l’islam. Le voile islamique est un signe de religiosité ostensible. Il est d’autant plus identifiable en France dans un pays non-musulman. Mais, cette visibilité des femmes voilées ne dispense pas tous les autres musulmanes et musulmans de respecter les règles religieuses. C’est peut-être un prétexte pour se dédouaner de toutes ses responsabilités individuelles. Exiger des musulmanes voilées la perfection revient à les réduire à leurs voiles.

La sacralité de la femme voilée

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Quand Abou affirme qu’il s’est fait berné, il attribue principalement sa crédulité aux signes ostensibles de la religiosité de son épouse d’alors : « Elle m’a tendu la perche avec la religion, la spiritualité, le voile aussi […]. Je me suis fais avoir par sa beauté, par la religion, par le fait que quand je rentrais à la maison, elle lisait Femmes promises au Paradis. » Il insiste énormément sur le port du voile par son ex-femme comme s’il s’agissait du contrat de mariage scellé entre eux. Aux yeux de beaucoup de personnes, le voile est un garant de respectabilité. Cette vision du voile indique un déplacement en islam du sacré. Ce n’est plus tellement la croyance et les actes dans leur globalité qui sont un signe de piété, mais uniquement le voile. Or, le voile n’est pas sacré. À force de polémiques, on l’oublie, mais le voile n’est qu’un bout tissu. L’ordre prescrit par Allah dans le Coran porte plus sur les parties du corps à couvrir que sur le voile en lui-même. La piété exceptionnelle attribuée aux femmes voilées est le résultat des préjugés et des stéréotypes de notre société. Le voile prend le pas sur l’individu qui le porte. Il n’y a plus de femmes musulmanes, mais juste un voile, une femme voilée. Un objet en quelque sorte. Toute personne se sent donc légitime à juger les faits et gestes de la femme voilée. Elles sont un objet de débat. Elles ne sont plus des musulmanes banales qui commettent des péchés. Elles ne sont plus des humaines de chair et de sang comme les autres. Elles appartiennent plus à la société, à la communauté musulmane, qu’à elles-mêmes. Une déshumanisation en bonne et due forme.

Le voile, un accessoire pour plaire aux hommes

Dans l’imaginaire occidentale, nourri d’orientalisme, les femmes voilées sont soumises aux hommes. Elles se couvrent par obéissance aux hommes de leur famille. Même dans les discours les plus ouverts sur le sujet, le voile servirait naïvement à se protéger du désir incontrôlable des hommes. Cette conception du voile, lié absolument au regard masculin, se retrouve dans le discours d’Abou : 

« Aujourd’hui, il y a certaines nanas qui ne draguent plus avec des mini-jupes, des Louboutin ou des sacs Louis Vuitton. Elles draguent  avec le voile parce qu’elle se disent quoi : “Je vais montrer mon voile, sortir mon voile, je vais paraître pour une fille pieuse, vertueuse, mais il n’en est rien.” » 

Il fait un parallèle entre le voile et les attributs habituels de séduction féminines. Quand bien même le jeune homme critique cette manière d’utiliser le voile, il le place aussi comme un potentiel accessoire destiné à plaire aux hommes. Il renforce cette idée lorsqu’il termine son interview en conseillant à son ex-femme de retirer son voile parce que « ça ne sert à rien de mentir aux gens ». Il est en cela soutenu par des hommes et des femmes qui pointent une hypocrisie dans un tel comportement. Selon ces personnes, le voile est une promesse de vertu. Il est supposé protéger des tromperies et autres désagréments comme Abou l’a cru parce qu’il avait épousé « cette voilée, cette oukhty voilée ». On croirait presque entendre un client qui se plaint d’une erreur sur la marchandise. Cependant, les femmes voilées ne sont pas des marchandises et, en islam, le voile n’est pas porté pour les hommes ou pour les gens. Le voile islamique est porté pour Allah. Le fait de commettre d’autres péchés ne change rien au fait qu’il soit obligatoire. D’autant plus qu’il est admis en islam que tous les enfants d’Adam pèchent. L’intransigeance dont font preuve de nombreuses personnes à l’égard des femmes voilées tient à leur volonté de contrôle des femmes portant le voile. Elles se doivent de jouer le rôle attribué.

Le patriarcat a condamné les femmes à choisir entre le rôle de la femme respectable et la femme de mauvaise vie. La vierge ou la prostituée, grosso modo. Selon l’apparence et les comportements, on est mis dans l’une ou l’autre catégorie. L’intolérable de la situation dans l’histoire d’adultère d’Abou n’est donc pas l’infidélité dont il accuse sa femme, mais le fait qu’elle renverse cette catégorisation sexiste. Heureusement, le voile ne se résume pas à cela et c’est pour ça que j’ai décidé de le porter.

Amy

Écrivaine et Conceptrice de La Femme en Papier

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